Anaximandre (VIe siècle av. J.-C.), philosophe et savant grec présocratique s'essaya à la cartographie qu'il ne maîtrisait pas mais cela ne l'empêcha pas de poser la terre sur plan tel celui ci-dessous. Cependant il est certain que sa vision profonde penchait pour la convexité de la mer officialisant une planète bombée.

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Reconstitution hypothétique de la première carte du monde perdue d'Anaximandre (VIe siècle av. J.-C.). Date 12 December 2006 Source Réalisation personnelle (adaptation du PNG de User:Gwwfps, en:Image:Anaximandermap.png, basé sur l'ouvrage de John Mansley Robinson, Introduction to Early Greek Philosophy, Houghton and Mifflin, 1968, ISBN 0395053161).Author: User:Bibi Saint-Pol. Pour public domain et versée en Wikipédia.

Pour les savants grecs, du Vème siècle avant J-C, la planète bleue est ronde; Ératosthène, hellène surnommé "Pentathlos" par ses contemporains, confirme deux cent ans plus tard et parvint à mesurer sa circonférence par méridien interposé... soit très précisément 40.000kms! De nos jours c'est plus nuancé : les pôles sont aplatis et le relief est, disons, très accidenté. Donc la terre ressemble quelque peu à une pomme cuite au four, imaginée peinte aux couleurs des océans et des continents. Bien sûr qu'elle est solide et belle à jamais voyons! Elle mesure 40.075kms sur l'équateur alors que par les pôles elle est de 40. 008 km, soit environ 67 km de moins!!

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Ératosthène enseignant à Alexandrie (v. 1635) par Bernardo Strozzi. Montreal Museum of Fine Arts Blue pencil.svg wikidata:Q860812. Public domain, via Wikimedia Commons

De l'expression de la planète par le philosophe grec Anaximandre à la moderne carte ci-dessous nous saisissons les siècles qu'il a fallu pour apprendre notre terre. Cela est devenu possible par les afflux migratoires de conquérants en quête de nouveaux territoires, par les guerres sanguinaires et autres croisades interchangeant sans cesse la géographie des peuples, par la maîtrise de techniques nouvelles permettant à des marins audacieux la découverte de continents et océans méconnus... puis plus en nos époques par la satellisation d'outils de recherche analytique ainsi que les vols spatiaux habités. C'est aussi pourquoi les humains se sont sentis en devoir de réglementer la navigation maritime et d'affirmer le sauvetage en mer comme obligation envers autrui.

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Source: planetpixelemporium.com (internet archive). Author: jimht at shaw dot ca, modified by Rodrigocd. Date: upload 25. Oct. 2005. Pour public domain et versée en Wikipédia.

Comme ce dossier va se concentrer sur la SNSM veillons à en définir prioritairement l'origine et les fonctions .

La SNSM a une devise, portée par ses 7000 bénévoles: "Pour que l'eau salée n'ait jamais le goût des larmes". C'est une association française, reconnue d'utilité publique. Son fondateur est l'amiral Maurice Amman, nommé préfet maritime à Brest en décembre 1961 jusqu'à octobre 1965, qui prôna la création de la SNSM (société nationale de sauvetage en mer) par l'union de SCSN (société centrale de sauvetage des naufragés) d'avec HSB (Hospitaliers sauveteurs bretons), ce en 1967.

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L'amiral Maurice Amman, alors préfet maritime de Cherbourg (1959/1960). Photo: Source Marine nationale par Wikimanche.

Par son statut le sauvetage en mer est l'intervention, l’innovation, la prévention et la formation.

Quelles sont les causes de cette trop longue prise de conscience collective?

Au début de l'emprise sur les mers il y avait l'inconnu où, peut-être, ne fallait-il pas s'infiltrer au risque de plonger en un au-delà sans espoir de retour. Des monstruosités au pouvoir surnaturel n'étaient-elles pas en attente de navires en perdition? L'approche de côtes inhospitalières ou paradisiaques hantait les esprits les plus faibles contaminant l'ensemble navigant? La nature n'aime pas se dévoiler; elle est donc imprévisible malgré les avancées humaines. De plus la conquête de nouveaux mondes ne se faisait pas dans la tendresse entre belligérants, sans parler des pirates, flibustiers et naufrageurs sans maître, ni patrie. Des mutineries soulevaient certains équipages en rupture avec le commandement. Le sauvetage en mer n'était pas une priorité, bien au contraire. En interne des bâtiments, nul doute... et encore selon qui.

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Deux créatures entourées de grandes vagues Scylla (à droite) et Charybde (à gauche), par Ary Renan, 1894. Source: http://parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_diaporama/public/atoms/images/MVR/lpdp_34816-5.jpg?itok=yZCu5jyo via Wikimédia/Commons. Charybde est souvent représentée sous la forme d'un immense tourbillon marin, dévastateur, aspirant tout sur son passage et tuant les marins par dizaine. Scylla est une nymphe qui fut changée en monstre marin par Circé. Elle est souvent associée à Charybde, près de qui elle réside de part et d'autre d'un détroit traditionnellement identifié avec le détroit de Messine. Source Wikipédia.

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L'équipage mutiné du Bounty abandonnant en mer le capitaine et un groupe de matelots fidèles (1789). Artist Robert Dodd (1748–1815). Source/Photographer: National Maritime Museum via Wikimédia/Commons.

Les vaisseaux fantômes ont hantés les esprits durant des centaines d'années; les hallucinations de navigateurs exténués, assoiffés, laminés par un long voyage d'errance sur la mer ainsi que par le manque de nourriture en plus d'être disséminés par la maladie, ainsi le scorbut, ont façonné en eux la certitude de bateaux dérivant à jamais avec comme seul équipage les spectres de noyés. N'y avait-il pas sur l'un de ces navires sans vie l'âme d'un matelot, qui aspiré par les flots, a disparu sans que nul puisse le sauver? Il était bonne raison de s'éloigner, sans regarder, pour son propre salut. Imaginez-vous une interrogation sur la narration de ces rescapés sortis de mille dangers? Dans les ports des anciens disaient aussi avoir vu de telles apparitions et ressenti un froid glacial en leur approche.

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The Flying Dutchman by l'artist Charles Temple Dix 1873. Domaine public. Source: Wikimedia Commons.

Comme il faut parfois ouvrir pour découvrir tentons de cliquer sur le Iannic.pdf ci-dessous; il y a en ce texte légendaire de quoi frémir comme en ces temps-là!

Iannic.pdf

Lors de la conquête des océans n'existait pour règle que la loi du plus fort. Sur le littoral des mers l’autochtone scrutait l'horizon où l'eau et l'air se confondent; un bateau à la gîte pouvait-être une future épave qui, échouée sur rivage, devenait accessible par le droit de bris.

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Scène de naufrage au pays de Kerlouan (gravure de François Hippolyte Lalaisse, Musée départemental breton de Quimper). Source: Wikimedia Commons.

La maîtrise des techniques et de l'architectural ayant permis la construction de navires mieux armés a contribué au délitage, au fur à mesure du temps, des tabous, des légendes à la vie tenace, bloquant dans l'inconscient le devoir d'assistance aux naufragés ou aux victimes d'incidences en milieu maritime et même fluvial.

Ce qui se découvre en certaines dispositions réformatrices.

Aliénor d'Aquitaine (1122/1204) reine de France d'avec Louis VII en 1137 puis reine d'Angleterre par Henri II de Plantagenêt en 1152 va instituer, en cette dernière année, Les rôles d'Oléron, l'île du cœur. Ils deviendront le code maritime appliqué dans toute l’Europe pendant plusieurs siècles, sachant qu'il sera aménagé par l'octroi de nouveaux articles durant cette longue période. Mais le premier enseignement de cette volonté est qu'ils promulguent l'interdiction de pillages... évitant certainement des atteintes à la vie de marins.

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Aliénor d'Aquitaine dans un vitrail de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, seule représentation d'elle faite de son vivant. Source wikipédia via Own work: Auteur Daniel Clauzier

Outrée par le comportement de certains iliens, qui forts du Droit d'aubaine, pillaient les navires échoués en sacrifiant, de plus, les survivants elle imposa ces Rôles d'Oléron dits aussi Jugements d'Oléron. Ce n'est certainement pas la seule raison, mais elle en demeure la plus humaine. De nombreux ouvrages vous offrent la possibilité d'en connaître le contenu original et les évolutions positives qui l'ont étoffé.

Le pilote et maître hâleur en Dieppe au nom de Jean-André Bouzard, ce en l'an 1777...

Dénommé Brave Homme par le roi Louis XVI, suite à sa bravoure et son humanité en la journée du 31 août 1777, il est considéré comme une figure de proue des sauveteurs maritimes. Ce à titre personnel puisque les regroupements en associations structurées, telles que nous les connaissons, n'existaient pas à cette époque. La Marine Royale avait certainement des devoirs respectés à ce sujet mais nous pensons que l'homme qui répond aux raisons d'être citoyen secoureur marin par: ''C'est l'humanité et la mort de mon père. Il a été noyé. Je n'étais pas là pour le sauver. Aussi, j'ai juré, depuis, de courir au secours de toux ceux que je verrais tomber dans la mer.'' est un exemple pour tous. Par là-même comme des hommes et des femmes responsables ont, sans nul doute possible, sauvé des semblables depuis la nuit des temps, ce dans l'anonymat le plus complet,

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Port de Dieppe vers 1770. Author Unknown. Source http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/20021003.htm via Wikimedia Commons.

Jean-André Bouzard a plongé dans le milieu maritime en sa pleine jeunesse puis servi dans la Royale (ce que nous dénommons aujourd'hui Marine nationale). Au sortir de cette période il ne revint pas en son village d' Ault (dpt: 80) s'installant à Dieppe (dpt 76) pour se fixer en le métier de pilote/maître hâleur. Son dévouement de tous les instants fût salué par ses concitoyens. Pourtant celui déployé en la soirée du 31 août 1777 va paraître si dimensionnel que son héroïsme aura écho jusqu'en la cour du roi Louis XVi. Cela est tellement impressionnant pour l'époque que nous vous devons de relater l'altruisme de cet homme faisant fi du danger pour lui-même.

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Gravure de Jean-André Bouzard, garde-pavillon de la jetée. Décoré du titre de Brave Homme par le roi Louis XVI. Source: La lecture patrimoniale et les archives de la Ville de Dieppe en la Médiathèque Jean Renoir.

Le texte ci-dessous est entièrement à lire afin de ressentir la longue mais salvatrice intervention du Brave homme. Ce sont des gars comme lui qui ont contribué à penser le devoir du sauvetage

Au crépuscule de cette journée les vents d'orage ne permirent pas aux pilotes-côtiers de sortir à la rencontre d'un navire venant décharger du sel; quoique 4 essais furent tentés. Jean-André Bouzard voyant que ce bateau effectuait une fausse manœuvre prit un porte-voix afin de conseiller le bord. Hélas la nuit tombante et les infernales turbulences firent que le capitaine ne pouvait voir et entendre. Sans guide et sans repère le bâtiment s'échoua à 30 toises de la digue. Les appels déchirants des naufragés en désespérance déclenchèrent chez Bouzard le devoir de sauver l'équipage et leurs deux passagers. Malgré les recommandations de ses collègues considérant mortifère une telle intervention il fit emmener les siens voulant le dissuader, se ceint d'un cordage tandis que l'autre bout de celui-ci fut attaché sur la jetée... puis il plongea dans les eaux tumultueuses muni d'un autre bout nécessaire pour tenté de ramener les hommes sains et saufs, Une fois, deux fois, quatre fois, huit fois, vingt fois notre héros subit les vagues qui le rejetteront. Cette force de la nature va persister malgré une lame l'envoyant sous le bateau le faisant croire mort. Il émergea soudain serrant un matelot projeté à la mer et respirant à grand peine. Il le ramena sur le rivage. Sans plus attendre le maître hâleur replongea dans la houle et les multiples débris venant du navire. Les blessures n'entamèrent pas sa volonté réussissant en la folie des éléments et d'infinies tentatives à atteindre l'épave pour y nouer le bout destiné à rapatrier les neufs hommes restant. C'est par ce deuxième cordage, reliant le navire à la jetée, que les marins les moins affaiblis purent rejoindre le premier rescapé. Jean-André Bouzard, éreinté et transis de fatigue revint aussi pensant les naufragés tous à l'abri. D'effrayants hurlements suivis de déchirants gémissements parvinrent à lui à peine ranimé. Pas une interrogation n'effleura son esprit que le plongeon instantané était exécuté. Malgré la faiblesse qui aurait pu le conduire au renoncement il assista le dernier désespéré en état de rupture physique. Des 10 hommes du bord, 8 restèrent vivants; les 2 autres furent découverts noyés le lendemain non loin de la terre ferme. Texte réalisé sur informations archives de Dieppe.

En début du second volet nous reviendrons à Jean-André Bouzard pour la reconnaissance qu'il rencontra auprès du roi LouisXVI suite au courrier adressé par le ministre Necker....

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Portrait de Jacques Necker, par Joseph-Siffrein Duplessis. Via Wikipédia

Nota1: Le nom de Jean-André Bouzard est signalé en certaines archives comme pouvant être orthographié Boussard.

Nota2: Un livre nous a favorablement interpellé et dont nous vous conseillons la lecture: De Chaybde en Scylla ou les risques, périls et fortunes de mer du XVIème à nos jours. Auteurs: Alain Cabantous/ Gilbert Buti chez Belin éditeur.

Remerciements à ou au: Wikimedia Commons. Wikipédia, Bibi Saint-Pol, Montreal Museum, jimht at shaw, Rodrigocd, Marine nationale par Wikimanche, parismuseescollections, National Maritime Museum, Wikjsource, la bibliothèque libre, Musée départemental breton de Quimper, Own work pour Daniel Clauzier, Ifremer, La lecture patrimoniale et les archives de la Ville de Dieppe en la Médiathèque Jean Renoir, la médiathèque François Miterrand Brest/Capucins. Les textes non référencés sont de Yffic Dornic. Brest/2020.