Notre souci étant de présenter les mémoires du "portde" il va de soi que nous n'allons pas dépasser les eaux et les quais de la rade. Cependant un retour sur les formes les plus archaïques puis sur la créativité humaine à travers les millénaires s'avère nécessaire... Par respect vis à vis de nos pertinents ancêtres et marins-pêcheurs des 19ème et 20ème siècles. Écouter les anciens chanter telle une chorale Longuivy de la Mer avec son auteur compositeur François Budet (Tréteaux Chantants du 16/11/2009 au PL Sanquer de Brest).

La pêche de l'aurore des temps aux abords du 19ème siècle.

NOTA: Cette page n'est qu'un résumé. Nous vous conseillons, donc, la visite des excellents sites marines professionnels.

Préhistoire.
L'homme voit, traque puis pêche le poisson à la main. Il s'équipe de lances ou de harpons (période fin du paléolithique supérieur) et façonne des hameçons en ivoire ou en silex de préférence.Son instinct lui fait creuser des troncs d'arbres pour aller naviguer et qu'il propulse manuellement. Afin d'obtenir des rendements plus importants il invente le filet pourtant complexe dans sa fabrication ce qui fait que les lignes perdurent. Le savoir de la conservation par le sel ou par l'enfouiement dans un amas de coquilles dites berniques (patelles ou chapeaux chinois) développe l'utilisation des dits filets en l'âge de fer.

Antiquité.
Les besoins sont vitaux pour tous. Cependant la Crète opte pour la pêche à l'épervier, la Grèce préconise le filet en rond pour la capture du thon (madrague), l'empire romain renforce le sien avec des cordes cousues ce qui permet à des voiliers de tracter vers la côte un tonnage assez conséquent. Ces latins produisent en BRETAGNE le garum en mettant des petits poissons entiers avec du sel dans des jarres (2ème siècle avant J-C). Dans la même période Sergius Orata invente l'oestriculture (viviers et parcs)! L'Egypte capture avec des sennes. Les casiers apparaissent pour piéger poissons et crustacés. L'élevage des huitres est très répandu en Chine et dans les pays méditerranéens. La faune maritime se raréfie... oui déjà !

Moyen-âge.
La chute de Rome désorganise la pêche et permet ainsi une recomposition massive des espèces . L'ère des Vikings institue le filet maillant et dérivant pour la pêche au hareng (dénommé poisson-roi). Poussés par l'église les marchands vont s'associer afin de vendre en communauté leurs produits marins. Les métropoles urbaines se groupent en Ligue Hansénique s'arrogeant des droits et des pouvoirs quasi-exclusifs. Les premiers subissent le joug de cette, disons, multinationale moyenâgeuse. Les bouchots à moules apparaissent sous l'impulsion de Patrice Waltan vers 1234. Il construit le premier acon, ce fameux canot à fond plat toujours utilisé de nos jours. La fameuse Pecten maximus est une invite aux gourmets et se trouve très présente sur la table des seigneuries. Lors du retour de pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle il est coutume d'orner son manteau avec des Coquilles... St Jacques! Nous reviendrons sur ces hermaphrodites et les dragues dans le billet n°3.

De l'ancien régime à la fin du 18ème siècle.
Les grands voiliers foncent sur les bancs de Terre-Neuve pour pêcher la morue. Véritables aventuriers, véritables héros des océans les marins-pêcheurs de ces navires vont sur des petits doris amasser des poissons à l'aide de harpons pour les ramener dans les cales remplies de gros sel. Les récits sont multiples sur ces forçats de la mer. Plus près de nos côtes finistèriennes les filets à mailles serrées de 300 mètres de long sur 30 mètres de haut encerclent les bancs de sardines. La pêche à la bolinche viendra plus tard. Pratiquée avec de plus petits filets elle empêche une perte conséquente des prises (écrasement de ces mini-poissons entre eux vu leur chair fragile et leur surnombre). La daurade, le bar (loup en Méditerranée) et autres spécimens sont aussi récupérés dans ces pièges. Les conserveries arrivent...avec la Penn sardin, une coiffe en forme deTête de sardine obligatoire au travail afin d'enfermer la chevelure de ces dames de Douarnenez. La demande est porteuse pour les marins. Le gangui (XVIII ème) évolue pour devenir le chalut à perches permettant la pêche au fond. Ses chaînes munies de grosses dents raclent afin d'obliger les futures prises à monter vers la poche du filet (cul de chalut). Les bateaux à vapeur et à moteur vont s'équiper d'un outil à panneaux divergents. La capture d'espèces vivantes ouvre la possibilité de viviers et de bassins d'élevage.

Durant la seconde moitié du 20ème siècle puis en ce début du 21ème les techniques, les matériaux et les règlementations bousculent le monde de la pêche. Rendez-vous à la page 3...

La rade de Brest.

Tous les marins-pêcheurs qui la travaillent sont respectueux de son environnement et ont une gestion responsable des réserves. Ils savent que seule cette façon d'agir permettra aux générations futures de survivre. Les interdits sur plusieurs espèces sont pénalisants pour cette profession... mais combien nécessaires, dans certains cas (ex: Le pétoncle blanc subit l'asphyxie par l'invasion des crépidules se fixant sur sa coquille). Reconstituer le milieu maritime est vital.

Le Massif Armoricain n'a plus ses cimes vertigineuses mais il constitue toujours la réalité géologique des falaises en portde et de notre magnifique rade. Le climat aidant cela a généré une faune et une flore spécifiques. Alors ce fabuleux réservoir naturel de la pointe finistèrienne qu'a-t-il de si particulier?

Pour le suivi scientifique nous avons des groupements de chercheurs, sur place, capables de vous décrypter ses richesses et ses recoins les plus inaccessibles. La densité de leurs travaux ainsi que la terminologie qu'ils professent ne sont lisibles ou audibles que dans les sites spécialisés.

Nous vous offrons une présentation digérable par tous de cet espace incontournable du domaine maritime de notre région.

Ce bassin de 180 km2 est comme une poche ouverte se remplissant ou se vidant, du fait des marées, par son étranglement dénommé Le Goulet large de 1,8km. Ce sont les eaux de la mer d'Iroise qui font ainsi le va et vient et fertilisent ses fonds avec l'aide des rivières: l'Elorn, la Penfeld, de Daoulas, l'Aulne, du Faou et des nombreux rus côtiers. Les villes et villages ont fleuri sur son littoral à l'abri des vents du large: Brest, Guipavas, Le Relecq-Kerhuon, Le Faou, Crozon, Plouzané, Plougastel-Daoulas, La Forest-Landerneau, Landevennec, Roscanvel voir Landerneau (ancien port stratégique) en sont les principales cités.Nous passerons outre les structurations et faits des marines militaires puisque des centaines d'ouvrages leur sont consacrés. Cependant nous ne pouvons éluder l'existence des îles qui ont été fortifiées et investies pour la défense du Château de Brest. En voici la liste: Île Ronde, Île de la pointe du Château, Île du Bindy, Île Tibidy, Île d'Arun, Île de Térénez Île Longue, Île du Renard, Île Trébéron, Île aux Morts, Île Perdue. Les sites imprenables, dont la célèbre pointe des Espagnols, sont divers et tellement attractifs.Les oiseaux protégés où non y trouvent le gîte protecteur et nourricier . Mais la pêche là-dedans? Nous y venons. Les principaux poissons: lieu, bar, daurade, rouget barbet, raie bouclée, congre, Saint-Pierre, maquereau, vieille, tacaud, mulet, grondin, merlan, cabillaud, julienne, carrelet. Ils sont chasseurs, en général, et dévorent les plus petits s'attaquant pour certains à des proies imposantes. Les crustacés et mollusques sont souvent victimes mais ne sont pas moins prédateurs. Les plus connus sont: homard(c), tourteau(c), crevette(c), crabe araignée(c), seiche (m), bulot(m), moule(m) et la fameuse coquille Saint-Jacques(m). Puis les coquillages ne sont pas en reste: huitre, palourde, coque, praire, bigorneau, pétoncle. Certains de ces animaux choisissent leur territoire selon la flore, le sédiment, les courants, les infrastructures. Enfin pour clore cet exposé je ne vous étonnerez pas en vous indiquant que chacun se spécialise sur la pêche d'un ou deux spécimens de cette diversité maritime. Il est vrai que les saisons font qu'un ligneur ou un goëmonnier de l'été peut se diriger vers la coquille (praire, huitre, Saint-Jacques) lors de l'ouverture de la campagne en automne et se terminant avec la fin de l'hiver.


Revenons à la "Mari-Llizig" copie conforme des légendaires chaloupes "Kerhorres" issues elles-mêmes d'un type de bateau datant du XVIIIème siècle utilisant une senne. Malgré les 6,2m de long de ce canot les pêcheurs fonçaient vers le large jusqu'à l'archipel de Molène. Ce voilier difficile à manier de part son faible tirant d'eau était doté de grands avirons. Les godilleurs devaient avoir des muscles d'acier et le savoir faire. Leur retour était craint par les fermiers car ils ne se privaient pas pour chaparder dans les champs. La dernière épave fut détruite en 1955 dans l'ignorance la plus totale. Le tourniquet enroulant le bout de l'ancre permettait un dragage plus performant : ici sur la Marie-Claudine.


Les anciens coquilliers à voiles ne sont plus fonctionnels. Des associations ou des communes les ont restaurés afin de sauvegarder un patrimoine risquant de disparaître. La mouvance des fêtes maritimes a accéléré une prise de conscience envers ces vestiges du passé. Ceux de la rade sont au nombre de quatre: le Saint-Guénolé, la Bergère de Domrémy, le Sav-héol et le sloop Général-Leclerc présenté ici avec la bienveillance de Fanch Nédélec de Lenn Vor en Plougastel-Daoulas.

Le sloop/coquillier: Général Leclerc

de l'association Lenn Vor en Plougastel-Daoulas.

Construit en 1948, au chantier naval Auguste Tartu du Fret en presqu'île de Crozon, ce navire, muni d'une drague, va sur les bases à coquilles Saint-Jacques ou à pétoncles blancs de la rade de Brest. Ce voilier se voit adjoint un moteur auxiliaire en 1951 par la volonté de Pierre Kervella en Kerdeniel qui en sera propriétaire jusqu'en 1970. A la belle saison il récolte du goëmon et du maerl (substance se formant dans un milieu donné par un mélange d'algue se putréfiant et riche en calcaire, de sable puis de débris coquilliers). Repris en 1973 il navigue encore quelques années. L'association Lenn Vor l'acquiert en 1987 afin de le restaurer. En 2005 il est classé monument historique, entre au chantier naval du Tinduff (Plougastel) pour les derniers travaux. Nous le voyons accoster, très souvent, les pontons du port de commerce soit pour une escale festive, soit pour les rendez-vous nautiques de Brest (et d'ailleurs de par l'Europe). Les 10 passagers qu'il embarque vivent des instants rétroactifs du grand large. Ce sloop plus sophistiqué que Mari-Lizig nous démontre une des étapes du progrès en navigation des hommes. Ces navires font le patrimoine que saluennt, souvent, la flotte des modernes motorisés ou sous voiles en carbone.


Marc Morvan est un ex-patron pêcheur ayant été grièvement blessé lors du naufrage de son navire. Il tourne la page, pose son sac à terre, se reconvertit... dans la sculpture étonnante de vieux métaux. Il soude, forme et crée de gigantesques œuvres. 1999: "l'homme debout" le propulse dans la notoriété. Le mouton va sortir de son imaginaire avec plus de 34 statues en fer. Il écrit, il poétise, il est judoka. Écoutez-le nous parler du "petite-pêche", du "côtier", du "hauturier" nous faisant pénétrer dans l'ambiant de chaque spécificité.


Merci aux archives de Goulven, cartophile, de la Prémar, de Daniel l'alsacien, du Friendship International, des "Amis du Bateau Kerhorre", de Brest 2008, de l'association Lenn Vor. Merci à Michel Poulain, à Jakès Kerhoas et Anne Burlat, à la chorale improvisée des Tréteaux Chantants, au milieu scientifique pour les apports sur la rade. Bravo à Marc Morvan poète sculpteur. Photos, vidéos, interviews, textes de Yves Dornic épaulé par Yffic Cloarec, webmaster. Le 25 novembre 2009 à portde.