Pêcheurs de nos côtes dans l'action professionnelle (page 3)
Par Yffic Dornic le 24 novembre 2009, 17:46 - Métiers - Lien permanent
Avec cette dernière page nous allons suivre des marins-pêcheurs sur leurs lieux de travail (à terre puis en mer). Admirons... les préparatifs du côtier "Ludivine" (tremailleur molènais qui travaille à partir du Conquet et s'abrite à Brest pendant les grandes marées), un chalutier espagnol en escale de déchargement, le "Sterne" un ligneur se transformant en coquillier vers fin septembre, le "Grain de Sel", un palangrier en quête de daurades. Bien-sûr nous n'aborderons pas les petits secrets de chacun : bases, appâts, méthodes. L'aperçu est cependant lisible et instructif. Il y a un vieux terme de pêche à retenir : "débesquer", c'est l'action de vider les filets ou de détacher le poisson des palangres.
Le Ludivine relâche moins souvent chez nous et s'amarre, maintenant, à un corps-mort du Conquet. Avant de sortir, il lui faut réparer les mailles, enlever les algues et autres débris, charger la glace en paillettes, les caisses en plastique, les vivres, le carburant. En fait l'indispensable pour les hommes en pêche "côtière". Dans la page 2, Marc Morvan nous a expliqué la vie à bord de ces marins. Un petit impromptu sonore de Pierrot Cosmao (commerçant à portde) nous étonne.
Les 20 et 21ème siècles réaménagent la pêche professionnelle.
Le monde évolue si vite que nous sommes projetés dans un processus centrifugère de progrès, de réglementations, de sauvegarde du milieu marin. La raison voudra bien, un jour, que nous nous regardions dans les yeux afin de ne pas détruire les compétences de nos marins-pêcheurs quelque peu bousculés, désorientés, inquiets.
La FAO (Organisation des Nations-Unis pour l'alimentation et l'agriculture regroupant 189 pays membres + la Communauté Européenne) décomptait, en 2005, 38 millions de pêcheurs et d'aquaculteurs dans le monde pour 200 millions d'emplois directs et indirects. Selon elle chaque humain consomme près de 21,8kgs en produits aquatiques: 14,4 de poissons + 7,4 de pisciculture. Source WIKIPEDIA.
Les institutions légifèrent avec maints décrets sur les métiers liés à la pêche. Ainsi dans la Communauté européenne il n'y a pas moins de 845 règlements. 1983: entrée de la politique commune de la pêche (PCP). 2009: la Commission EU sort un Livre vert de la pêche visant à l'obligation de quotas. En ce jour du jeudi 10 décembre 2009 un article du O.F., signé R. Cosquéric, retient mon attention « Le temps de l'encadrement pour la survie du thon rouge a sonné. Chaque spécimen sera doté d'une bague chiffrée à sa queue . Le plaisancier , en sortie récréative, ne pourra plus embarquer en surnombre. La pêche bretonne vient de se munir d'une charte sur les espaces côtiers de l'extrême-ouest afin de canaliser vers un développement durable». Le non-respect des clauses engendre des contraintes financières aux pays les dépassants. Voici quelques servitudes liées aux droits et devoirs du marin-pêcheur: Permis de pêche, Licences de pêche, Autorisations sur les lieux de pêche, Engins de pêche conformes, Fixation d'un maillage pour chaque espèce, Respect des espèces protégées, rejet des espèces indésirables etc... En France les professionnels se sont auto-réglementés depuis des décennies et la création des Comités locaux et régionaux (mai 1991) n'a fait qu'amplifier cette volonté de bonnes pratiques. Quant on sait que dans le monde entier des surveillances par satellite via le système Argos, par vedettes rapides des affaires maritimes, par des hélicoptères des Préfectures maritimes il va s'en dire que le braconnage et la surpêche n'ont qu'à bien se tenir. Il est tout de même contraignant pour ces marins d'être inspectés pour: tailles des poissons, durée de temps de pêche, nombre d'engins, visite du carnet de bord, le bon fonctionnement du matériel (radio,canots de survie, fusées, etc..) lié à la sécurité en mer. Nous voyons, par ce bref résumé, que les choses ont sacrément évolué dans ces métiers de la mer. Parfois ils étouffent dans ce carcan législatif... mais ils aiment tant le large qu'ils savent accepter ce qui peut-être sauvera et relancera un milieu où les jeunes n'osent pas trop s'aventurer.
Quels sont les matériaux nouveaux ainsi que les méthodes innovantes de ces 20ème et 21ème siècles? L'informatique est-il l'outil de demain? La fibre de verre, le plastique, le kevlar détrônent le bois (il garde ses nostalgiques) car d'une solidité plus soutenue. La construction avec ces produits est moins astréniante pour une réalisation plus homogène. Construit dans un véritable moule le navire moderne résiste mieux aux assauts des vagues et se munit d'un rouf, d'une cabine de pilotage. Cependant il tape davantage puisque plus rigide et le confort s'en ressent. Les jeunes le pratique jugeant ses avantages positifs (rapidité accrue, économie d'énergie). La coque plus en V (effilée) glisse mieux sur l'eau. Certains vont même acquérir des catamarans de 10/11mètres avec un pont couvert afin de travailler le poisson et autres cueillettes des nasses ou des casiers. Il est évident que seuls les chantier-naval agréés savent élaborer et réaliser ces bâtiments de navigation. L'informatique rentre dans les mœurs du patron pêcheur... Pourtant beaucoup en sont, encore, à la carte papier du Shom où ils pointent les coins connus d'eux seuls. S'étant équipés d'ordinateurs ils font , malgré cette avancée, comme un comparatif avec la vieille méthode: un regard sur l'écran... un regard sur la carte.
Sécurité et matériel nautique d'armement
Nous voici bien loin des esquifs ancestraux avec un tronc, deux mains rameuses et une peau d'ure comme voile. Sur le tableau ci-joint nous apprenons que l'équipement d'un navire de pêche n'est pas une mince affaire. Il y va de la sécurité de tous: marin professionnel, marin plaisancier, assistant/sauveteur. De plus l'Union Européenne couvre un ensemble de pays ayant chacun une règlementation propre et souvent diverse... ce qui engendre bien des discussions.
Les pêches modernes
Nouvelles formes de pêche... nouvelles technologies. Les marins pêcheurs du porte pratiquent leur métier avec un outillage sans grande mutation car toujours très performant. Allons vers le large et sachons que... Des chalutiers usines nantis de véritables aquariums géants soit congèlent le poisson ou découpent pour mise en boîtes ou encore conservent du vivant de haute gamme. Le chalut pélagique, le chalut-boeufs (tracté par deux chalutiers), les chaluts-umeaux, le chalut en pêche latérale, les filets en nylon, l'hydraulique haute pression, le sonar, le sondeur, l'hydro-dynamique, les satellites météorologiques, les détections informatiques des bancs et des migrations, l'étude océanographique des fonds, la recherche de marché lié aux saisons et aux gouts de la clientèle, l'hydroacoustique, les téléphones mobiles satellitaires, les liaisons VHF, etc... sont là pour nous transporter vers les infinies découvertes. Les océans, les mers, les lacs, les rivières ont des réserves qui s'appauvrissent du fait que l'humain consomme, sans doute, moins en 2009 qu'il y a 5/6 ans, mais 8 kg de plus que vers les années 1960! La population du globe étant en constante augmentation il faudra refondre un système de pêche afin que les marins-pêcheurs vivent de leur métier. Certains agissements des non-pros (plusieurs centaines de mille, en France) sont dévastateurs. Ils devront être régulés par un contrôle sur le nombre de prises et le respect des tailles. Sans réprimer mais par la réflexion nous pouvons faire évoluer les choses. Certaines fédérations de pêche sportive ou récréative modulent des règles et obtiennent des avancées sans pour cela priver les adhérents de leur loisir préféré.
Souvent nous voyons accoster des chalutiers espagnols afin de décharger leurs cales. Pour le transfert vers les mareyeurs de leur pays des camions frigorifiques viennent jusqu'à Brest et se remplissent des cageots de poissons du grand large. Ils sont en bois ou en plastique standardisés. Ces navires ne font que rarement appel à la criée française et travaillent en autonomie. La raison de ces escales à portde est liée à la proximité des contrées de pêche (réduction des coûts et de miles à parcourir).
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Avec son Sterne Bruno Baron nous propose des moments inédits dans l'effort du marin-pêcheur. Nous le voyons, tour à tour, au dragage des praires, comme ligneur sur les bars, au triage de coquilles Saint -Jacques (en sachant que la moitié du tonnage embarqué est formé de divers sans intérêt ou de prises hors calibre légal), effectuer les opérations d'entretien des organes mécaniques du bateau. N'est-ce-pas que la brillance des loups ou la vision de l'amas des Pecten maximus vous fait saliver ?
Bruno en mer photographié par Mme Baron, sa femme
Ce Sterne est très maniable. Bruno Baron a l'outil lui permettant un travail des plus professionnelTrapu, buriné, un tantinet ressemblant à Eric Tabarly, notre pêcheur est un breton bien typé. Marco pour les proches sort chaque jour de l'année. Seuls les coefficients négatifs et les tempêtes bloquent notre homme au ponton. Les mains calleuses et robustes sont habituées aux fils des palangres qui défilent entre ses doigts. Nous allons suivre la relève puis le décrochage des poissons. Ensuite sur les dizaines d'hameçons libérés Marco va escher avec une recette personnelle. Mouiller les lignes de fond ainsi garnies est le rituel coutumier de ce pro qui pratique la sortie journalière dite "petite pêche".
Grand merci aux archives photos de Mme et Mr Baron Bruno, à Pierre Cosmao pour cette approche du Grain de Sel", à Jean-Michel Rivoalen pour sa complicité, à Marco Kerhoas pour son talent de pêcheur professionnel, à Fronzes Rozenn pour la photo de Jacques'' le père de Marco. Les textes, les clichés, les interviews, les vidéos sont de Yffic Dornic assisté par Yffic Cloarec dans la mise en ligne de ce billet. Le 12 décembre 2009 à portde.