Réflexion pertinente de Erwan Guéguéniat, Officier mécanicien dans la Marine marchande..

Je pense qu'une petite introduction est nécessaire, concernant les raisons de la présence du Pacific Coast, à Brest. Décrire le contexte me parait être une chose importante A cet effet j'ai traduit un chapitre du livre de John de S.Winser, Yffic voulant éclairer ceux qui, comme lui, ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare De plus j'ai fait un petit travail de recherche sur les autres navires du convoi, car c'est aussi très intéressant.

Traduction

"Le 1er août 1939, le secrétariat d'état à la guerre britannique informa le Comité Impérial à la Défense que deux divisions militaires pouvaient être en France dans le mois qui suivait le début de la guerre, et que deux autres divisions pouvaient suivre dans les quatre semaines suivantes. La planification de l'arrivée en France de la Force Expéditionnaire Britannique (BEF), avait été préparée dans ses moindres détails depuis l'été 1939. Quatre points de débarquement de matériel avaient été décidés, à Cherbourg, à Brest, Saint Nazaire, Nantes. Le Havre n'avait pas été retenu, car à ce moment ce port était jugé trop vulnérable. C'était la crainte d'une attaque maritime et aérienne de l'Allemagne qui avait pesé pour que la plupart du matériel de la BEF transite par les ports de l'ouest de la France, et non par ceux situés sur la Manche.

Les navires destinés aux livraisons de munitions et d'essence en fûts, pour la France, furent désignés par le Ministère de la Marine Marchande. Il s'agissait d'envoyer chaque semaine 8 à 10 cargos depuis le Canal de Bristol jusqu'à Brest ou Nantes. Les premiers navires furent réquisitionnés le 3 septembre, le jour de la déclaration de guerre de la Grande Bretagne et de la France contre l'Allemagne. Fin septembre, la flotte destinée au transport de munitions et d'essence vers Brest et Nantes était constituée de 29 navires, le plus gros était l'ADJUTANT 1931 TJB. Le plus petit était le CAIRNGORM de 394 TJB. 27. Ces 29 navires étaient de construction récente.

Le premier convoi d'essence et de munitions à destination de la France, pour la BEF, quitta le Canal de Bristol le 11 septembre, il était composé de 16 navires. Suivirent jusqu'à fin septembre 6 autres départs de convois, mobilisant en tout 24 cargos.

A partir de mi-octobre 1939, le ravitaillement de la BEF fut moins pressant, et ne demandait plus que du petit ravitaillement. Aussi la plupart des navires du convoi BC 14 (Bristol Channel N°14) étaient des caboteurs. Le convoi BC 14 était composé des transporteurs d'essence en fûts: COXWOLD, JADE, LOCHEE, PACIFIC COAST et PEMBROKE COAST, et des transporteurs de munitions ADJUTANT et OUSEL. Quatre navires plus gros complétaient le convoi, 2 transporteurs de véhicules plus 2 transporteurs de matériel divers et ravitaillement. L'escorte était composée des destroyers EXPRESS, VESPER et VIVACIOUS. Le convoi BC 14 était le 3ème voyage du PACIFIC COAST à destination de la France, ce fut aussi le dernier..."

Source: "Coasters go to war" John de S.Winser, Ships in focus publications, 2009. Traduction Erwan Guéguéniat

Destinée des autres caboteurs et cargos compagnons du PACIFIC COAST, formant le convoi BC 14 de novembre 1939:

(sources Miramar ships index, personnelles et John de S. Winser)

COXWOLD, construit en 1938: Beaucoup de ravitaillements d'essence en fûts pour la BEF. Plus tard, Il participe au débarquement de Normandie, en arrivant à Omaha Beach le 11 juin. Il réchappe à la guerre, et fini sa carrière en 1975, comme italien PRIMO FRANCESCA

JADE, construit en 1938. Quelques ravitaillements d'essence en fûts pour la BEF. Participe à l'opération CLYDE en juin 1940 (évacuation de 30000 soldats britanniques face à l'avancée allemande. Il participe au débarquement de Normandie, en livrant du matériel à Omaha Beach par 3 fois, les 11 juin, 25 juin et 14 juillet. Il fini sa carrière en 1987 en Grèce, comme COSTAS

LOCHEE, construit en 1937. Beaucoup de ravitaillements d'essence en fûts pour la BEF jusqu'en avril 1940. Participe à l'opération de Norvège en mai 1940.. Présent sur les côtes de Normandie en septembre 1944. Il termine sa carrière en 1979 dans le canal de Suez, après un échouement il coule. Il s'appelle alors GEORGIOS.

PEMBROKE COAST, construit en 1937. Beaucoup de ravitaillements pour la BEF. Il quitte la Clyde le 12 mai 1940 pour la Norvège, avec 700 tonnes d'essence de véhicules et d'avions. Il arrive à Harstad le 19 mai. Le 21 mai, alors qu'il n'est pas encore déchargé, il prend feu suite au bombardement d'un dépôt de combustible proche. Il sera perdu, mais l'équipage sera sauvé.

ADJUTANT, construit en 1922 comme MYRTLEPARK. ravitaillements pour la BEF en munitions, jusqu'en juin 1940. En 1964, en tant qu’italien AVANCA, il s'échoue et est démoli à Trieste

OUSEL, construit en 1922. Ravitaillements en munitions de la BEF jusqu'au 29 novembre 1939. Victime d'un abordage en 1957 dans la rivière Mersey, il est déclaré irréparable et démoli.

Enfin, on notera que la compagnie Coast Lines fournira en tout 13 navires pendant la guerre: ANGLIAN COAST - ANTRIM COAST- ATLANTIC COAST - BRITISH COAST - CARRICK COAST - CLYDE COAST - DEVON COAST - DORSET COAST - KENTISH COAST - OCEAN COAST - PACIFIC COAST - PEMBROKE COAST - SUFFOLK COAST.

Il y eu un autre COAST, le SILVER COAST, mais il n'appartenait pas aux Coast Lines. On notera aussi que la lettre P ne semble pas avoir porté bonheur aux navires de la Coast Lines, puis que les deux victimes de la guerre avaient des noms qui commençaient par P

Pour conclure, une petite remarque concernant le cargo ALDERPOOL, qui était accosté derrière le PACFIC COAST, et que l'on voit sur les photos de l'article de Yffic. Ce navire de 4 313 tonnes, construit en 1922, aura une fin malheureuse, il sera torpillé dans les eaux froides de l'Atlantique nord, dans le sud de l'Islande à mi-chemin entre l'Irlande et le Groenland, le 3 avril 1941.Il faisait partie du convoi SC 26, dispersé par le mauvais temps. Son torpilleur fut le U Boat U73, qui ce jour là coula deux autres navires en plus du ALDERPOOL, le pétrolier BRITISH VISCOUNT et le belge INDIER. Les 39 membres d'équipage du ALDERPOOL furent sauvés. Moins chanceux furent les équipages des deux autres navires, puisqu'on compta 42 morts et 4 survivants pour le INDIER, et 25 morts et 20 survivants pour le BRITISH VISCOUNT.

Erwan Guéguéniat, le 8 juin 2012, à Brest.

Ce 9 novembre 1939...

Des dockers travaillent dans les cales du cargo anglais Pacific Coast amarré au poste 7 du bassin n°2. Selon un compte-rendu, rédigé par le commandant Laurent Loussot du remorqueur Abeille 22, ils sont 36 (?) à périr dans l'incendie de ce bateau qui s'est déclaré à la suite d'une explosion. Des membres de l'équipage et autres militaires anglais sont, aussi, portés disparus. La presse n'écrit que de petits entrefilets sur cet accident car la seconde guerre mondiale, déclarée depuis le 3 septembre 1939, fait la une des journaux. Avec les archives ouvertes par ses filles, dont Annick Hatinguais qui les gère, nous allons en suivre la trame douloureuse. Nous sommes plusieurs à s'investir sur ce dossier difficile à appréhender. Les témoins vivants sont peu nombreux et les descendants directs n'ont que de vagues réponses à nous offrir. Cependant de nouvelles pistes nous permettent de croire que nous avons raison d'amplifier nos recherches. Nous ouvrirons une deuxième page dès plus ample informé.

Caractéristiques Pacific Coast.

ID* No: 1164258

  • Year: 1935
  • Name: PACIFIC COAST
  • Type: Cargo ship
  • Launch Date: 4.4.35
  • Flag: GBR
  • Date of completion: 5.35
  • Tons: 1210
  • Link: 1263
  • Yard No: 357
  • LPP: 76.7
  • Country of build: GBR
  • Beam: 11.6
  • Builder: Ardrossan DY
  • Location of yard: Ardrossan
  • Number of screws/Mchy/Speed(kn): 2D-12
  • Naval or paramilitary marking : A >? End > 1940

Lancé le* 4 avril 1935 il est achevé en mai 1935 au chantier Adrossan DY à Ardrossan, GBR,

  • N° de coque 357
  • Armement Coast Lines,, GBR
  • Longueur 76,00 m, largeur 11,60m, jauge 1 210 tx
  • 2 moteurs diesel, vitesse 12 nds

Incendie 9/11/1939 à Brest, épave découpée en mai 1940


Brest, le 9 novembre 1939, 13h27. Le navire anglais Pacific Coast, de la Coast Lines, est en feu au poste 7 du port de commerce de Brest. Le sinistre démarra à la suite d'une explosion cale II. Le navire était chargé de caisses et bidons d’essence et constituait une bombe à retardement pour les hommes et le navires à proximité.

Le Pacific Coast, en feu au poste 7 du port de commerce. Malgré la piètre qualité du cliché, on distingue à l’arrière du cargo en flamme, la proue de l’Alderpool, navire anglais de la compagnie R. Ropner & CO. La rapidité de l’intervention de l’Abeille n°22 permit d’éviter que l’incendie ne se propage à l’Alderpool, aux wagons et aux matériels qui jouxtaient le Pacific Coast, sur le quai. On note aussi que des lances à incendie sont en action sur le quai.

Dix minutes après avoir été alerté, l’Abeille n° 22 prend en remorque le Pacific Coast en maillant sa remorque de bassin sur la chaîne d’ancre du cargo, à l'aide d'une erse appropriée Ne pouvant taire route vers la passe de l’Est, à cause de divers bateaux mouillés Loussot fait route à toute puissance par la passe de l'Ouest. A diverses reprises l’ ancre du Pacific Coast croche au fond.

A 13 h57, le convoi double la Santé et à 14 h08 les digues de la rade-abri. Diverses explosions se font entendre, des fusées partent de temps à autre. Le remorqueur doit venir sur bâbord, c'est-à-dire vent de l'arrière et pendant quelques minutes l’équipage de l’Abeille n°22 est dans les tourbillons de fumée et ressent une chaleur insupportable. A 14 h25, étant sur le banc de St-Marc, Loussot fait mettre un orin sur sa remorque et la laisse aller par le fond.

A 14 h35 les manches à incendie de l’Abeille n°22 sont en action sur l'avant du navire, mais bientôt ordre est donné par l’Amirauté de ne pas rester auprès du navire en cas d'explosion. A 18 h, les remorqueurs de l'Etat viennent relever l’Abeille n°22 de sa veille de sécurité et suivant les ordres du Commandant de la Police de navigation le remorqueur rallie son poste habituel.


Le lendemain de l’incendie, 10 novembre 1939, l’Abeille n°22 fut à nouveau sollicité. Les autorités maritimes estimant que le Pacific Coast était échoué trop près du port de Commerce, le navire toujours en feu, fut déplacé de 300 mètres vers l’Est. Enfin le 12 novembre, le Pacific Coast coula et des caisses d’essence en feu flottèrent par paquets et dérivèrent vers le port. L’Abeille n°22 fut chargée de les éteindre, grâce aux remous de son hélice. L’incendie dura plusieurs jours et fut visible des kilomètres à la ronde.


Le 19 février 1940, 3 mois après l’incendie, l’Abeille n°22 et son équipage furent sollicités, en coopération avec le vapeur de sauvetage Marie Madeleine de la compagnie Les Abeilles, aux opérations préliminaires au relevage du M/V Pacific Coast, échoué sur le banc Saint Marc. A chaque pleine mer le navire est couvert et toutes les parties du navire se remplissent d’eau. Tous les cols de cygne des ballasts du navire sont crevés, les sorties d’eau sont en grande partie fendues, de chaque côté de la cale 3 et sur 6m environ, les tôles se sont disjointes, ces déchirures se trouvent un peu au-dessus de la ceinture. Comme le navire était chargé de caisses d’essence et de pétrole, il faut prévoir, si le chargement de près de 1700 tonnes n’a été consumé qu’en partie que le navire sera très lourd en raison du remplissage des 520 tonnes de ballast et de peaks.


Les travaux principaux consistèrent en l’installation de motos pompes, de dégagement des coursives, d’obturation des voies d’eau et du sciage du mât AR du Pacific Coast, tombé sur le pont bâbord et débordant en dehors, rendant tout accostage de ce côté dangereux. Obturation de toutes les sorties d’eau le long de la coque ainsi que les crépines lesquelles peuvent être restées ouvertes et les tuyaux crevés. Ces travaux furent effectués par des poses de coins et d’étoupe, de paillets Makaroff et via des plonges de scaphandriers. Le 29 février, le vent souffle en tempête de l’Est et le commandant Loussot est contraint de prendre le remorqueur Roscanvel pour maintenir le Pacific Coast à l’arrière. En raison de la violente tempête, l’ancre arrière du Pacific Coast chassa et l’arrière du cargo vint légèrement s’appuyer contre l’arrière du chaland Caméléon auquel il était amarré, mais les ballons empêchèrent toute avarie. Sur la dernière photo on remarque le scaphandrier au premier plan. L’utilisation des « Pieds-Lourds » avant-guerre était très courante pour les travaux de renflouement. Le Pacific Coast devenait de plus en plus dangereux en raison des vapeurs d’essence, ainsi, dans la cale 3, le matelot scaphandrier de l’Abeille eut un commencement d’asphyxie. Il fut nécessaire de le retirer à l’aide d’une ligne. En arrivant à l’air libre, il reprit aussitôt connaissance et le lait qu’il but le rétablit aussitôt. Le 1er mars 1940, Laurent Loussot interdit tout accostage le long du Pacific Coast et le service de surveillance fut fait à l’aide de la vedette de l’Abeille n°22.Le renflouement du Pacific Coast fut ainsi abandonné.


Nota: Cette page a été réalisée grâce aux archives Loussot/Hatingais dont nous avons obtenu l'usage au titre des sites portde.info et Wiki-Brest. Nous vous convions à contacter cette famille si vous désirez pratiquer des photos de cette collection.

Nos remerciements à mesdames Marcelle Loussot, Annick Hatinguais, Arlette Hatinguais filles de Laurent Loussot, commandant de l'Abeille 22 et auteur des clichés.Merci à Jean-Luc Déan, à Erwan Guéguéniat et à Yves-Guy Bertrand pour leur apport en documentations. Merci de même à Yffic Cloarec, le webmaster dévoué. Yffic Dornic, ce 12 avril 2012 à portde.