La famille Spiessert est d'origine Rom Hongroise : les OURSARI, la plus basse des tribus tziganes vivant dans les bois avec l'ours (le diable), est composée de montreurs d'ours, cracheurs de feu, musiciens. Dans son bas âge, Charles émigre vers la Baltique, puis arrive en France après un passage en Allemagne. Les siens ont changé de patronyme à cause des consonances germanique et Rom de Speissert. Les SPESSARY sont nés et le resteront jusqu'à fin 1945.

Nous sommes en 1900, Charles a grandi. Il monte avec son frère Roger et sa soeur le Cinéma ambulant sous petit chapiteau, à Chalons/Saône, capitale de création du film première génération : courts métrages genre MELIES. Anecdote : lors de la séance inaugurale de projection d'un film offert à son fils Willy, les spectateurs sont sortis hystériques, paniqués croyant que le feu avait embrasé la structure. Ca marche fort... Puis les voilà organisateurs de combats de boxe, d'animaux... Location d'arènes afin de confronter taureaux, lions, tigres. EL TORO gagne en général. La fortune est là.

Pendant ce temps des membres de la famille fusent vers les Etats-Unis pour y vivre. Ils ont aussi un chapiteau. Le tremblement de terre de San Franscico les anéantis. Fin d'un espoir, d'un rêve. En France les Spiessert deviennent garagistes à Marseille. En 1920 venus pour affaires à Bordeaux, ils tombent sur un cirque anglais en faillite. Coup de coeur... Ils l'achètent. Un destin est scellé : PINDER va renaître.

50 ans de règne Charles Spiessert. Une parenthèse sous le régime hitlérien ; le chapiteau est enterré afin de ne pas jouer pour l'armée du Reich !!!!!

1945-1965, Pinder resurgit sous des toiles de 10000 places comme quelques cirques célèbres : Bouglione, Amar, Le Cirque de France, Radio Circus, etc...

L'époque est faste avec un train de vie énorme. Réussite et gloire se conjuguent avec rencontre des célébrités du monde : stars, présidents, maharadjas. Le firmament quoi. Et... Charles achète à un prix dérisoire des camions, des matos comme on dit dans le jargon du spectacle, aux américains lors de leur départ des bases nichées sur le sol français. 20 à 30 véhicules rutilent bientôt sous les peintures jaune et rouge du célèbre cirque. Inouïe, cette ascension... Quelle vie !

Vient le temps du cirque business. Gloria Lasso, Luis Mariano, Dany Boy... éblouissent, ainsi que la célèbre parade des chars à travers les rues des cités étapes. Puis l'ORTF arrive avec la Piste aux Etoiles, les pistes de patinage, les fééries. La maestria de Monsieur Loyal envoûte le chapiteau, le jeu des mille francs...

C'est Roger Lanzac. Les clowns de cette épopée, qu'ils soient italiens, espagnols, français et même de la famille, enthousiasment la voûte de leurs pitreries. Tous, acrobates, animaux, dresseurs, cascadeurs, monteurs, placeuses et autres ingrédients, portent haut la notion du cirque à la française. Panache. Les fils sont dompteurs-dresseurs, dresseurs, Monsieur Loyal comme le frère. Les spectateurs suivent, accourent subjugués.

Mai 1968. Arrêt et interrogations. Colère, rupture. Charles ne comprend pas et cesse la coopération avec l'ORTF. Il est très malade; le destin le rencontre dans l'irréversible. Le milieu du cirque est blessé, laminé. Les médias télévisuels prennent la place inexorablement, concurrencent les gens du voyage. C'est le côté cruel de la vie, mais c'est ainsi. Charles meurt en 1970 avec ce Pinder affaiblit, endetté. La voile est trop grande. Il faut revenir aux 2000/2500 places. Jean Richard le sait. Il reprend cet empire à terre, éponge, assoit de nouveau ce fleuron en emmenant sa ménagerie unique. C'est le bonheur retrouvé sans le lustre d'antan. Le public est reconquit. Aujourd'hui Charles dans son espace suit, peut-être, ce convoi qu'il a associé aux plus grands moments du cirque.

Ca mérite le respect, Monsieur.

Un de ses fils est resté directeur du matériel entouré de ses hommes pendant cinq ans et ARRET de la famille Spiessert. Chanceaux sur Choisille près de Tours était la cité d'hivernage. Jimmy, le comptable en devint Maire. Il ouvrit le premier terrain d'accueil pour les gens du voyage : les ROMS. A présent c'est à Monnaie en Touraine que s'arrête la saison. »

Conclusion de Charlie le petit-fils

J'aurai aimé faire revivre notre famille dans ces univers. Cependant la fibre artistique est dans le sang. Je suis artiste peintre. Le créatif est ancré chez Spiessert : musique, couture, bd...

Puis il y a Martial au profil gestuel de Charles mon grand père. Il voyage avec un cirque tzigane. Est-ce un signe pour que l'histoire ne s'arrête pas là.

Plus d'infos :


Interview réalisé par Yffic Dornic au bar La Presqu'île le 7 octobre 2006